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Journal d'Architecture

N° 27 | Printemps 1993 | Esteve Bonell. Les édifices publics

Edito

Sommaire

Patrick Devanthéry
Entre-deux-mondes


Précision et lisibilité[1], sobre et austère[2], et voilà la conclusion: quel calme, quelle beauté![3].

Aux qualificatifs récurrents adressés aux architectures d'Esteve Bonell, il faudrait en ajouter une série qui transparaissent de son oeuvre où, récemment, une série de constructions importantes ont vu leur achèvement. Elle témoignent de la capacité de l'architecte d'aborder avec la même rigueur des thèmes aussi différents que ceux d'une prison, du logement collectif, des stades, des écoles, ou encore d'un palais de justice; des architectures implantées dans un contexte urbain ou en pleine campagne. Le fil conducteur de ce travail et sa cohérence tiennent à la définition d'une attitude professionnelle qui confronte deux types de connaissances: celles liées au «monde du Réel» et celles appartenant au «monde des Idées»[4] avec, pour seul objectif, de construire.

Le «monde du Réel», pour cet architecte qui débute sa carrière dans les années 70, est issu des processus qui permettent l'analyse et la synthèse des données qui président à l'élaboration du projet. Ces connaissances de l'ordre du programme, de l'urbanisme, de l'économie, de la technique ou de la construction, il les intègre comme des données précises, quantifiables et incontournables, qui rendent le projet possible.

Le «monde des Idées» est issu de ses racines culturelles, qui sont et restent celles de la rationalité tant constructive que typologique. Une rationalité empreinte des traces d'une histoire de la modernité qui, pour Bonell, même si elle n'est plus homogène, n'est pas morte. Des racines culturelles immergées dans la Catalogne[5] et des échanges qui, à l'exception de l'apport de F.L.Wright, sont résolument tournés vers la Méditerranée, - celle de la lecture de l'Acropole d'Athène de Le Corbusier et celle des propositions d'architectes italiens, de Moretti à Gardella.

De la confrontation de ces deux mondes - l'architecte parle de «manipulation» - se développe le processus créatif. Celui-ci fait appel à l'abstraction, qui seule permet d'intégrer les complexités à gérer. C'est, par exemple, le recours quasi systématique aux figures géométriques pures ou la recherche de l'unité à travers un matériau.

Les complexités qu'intègre Esteve Bonell doivent ainsi tout à la fois mesurer la capacité d'adhésion d'un édifice au territoire; assumer les relations humaines et sociales par une conception spatiale apte à contrôler les circulations, la proportion des pièces et la lumière; vérifier la cohérence des propositions techniques et constructives qui, pour innovatrices qu'elles soient, doivent correspondre à une économie et à une mise en oeuvre locale.

Ce dossier consacré à Esteve Bonell met en lumière ces différentes aspirations par la présentation d'une série de projets récents, véritables révélateurs d'un travail pourtant mené de longue date, et qui a su trouver, dans la nouvelle Espagne des années 80, un champ formidable d'expériences. Pour situer le contexte de ce travail, l'apport du texte de l'un des protagonistes majeurs de l'architecture catalane de ces vingt dernières années est essentiel, tout comme le fait d'opérer une analyse d'ordre comparatif entre une série d'objets - de stades - de même nature. Enfin, une monographie à propos du dernier bâtiment réalisé par Esteve Bonell - le palais de justice de Girona - rend compte d'une des oeuvres parmi les plus complexes, mais surtout les plus fines de l'architecte.



© Faces, 1993


[1] Jacques Lucan, «Esteve Bonell: continuité d'une recherche». Introduction à la monographie 
Bonell, Gil, Rius, Ed. GG, Barcelone, 1993.
[2] Antonio Angelillo, «Esteve Bonell: lavori in corso», 
Casabella, 563, Milan, 1991.
[3] Jacques Gubler, «Esteve Bonell e Francesc Rius Velodromo a Barcellona», 
Casabella, 519, 1985.
[4] Esteve Bonell, texte de conférence, La Coruña, octobre 1988.
[5] Cf dans ce numéro l'article de Oriol Bohigas, PP. 8-11.